04 avril 2021
LA DIGITALISATION BANCAIRE: UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR LE SECTEUR
UN MODÈLE BANCAIRE BIEN AVANCÉ À L’INTERNATIONAL
Dans un contexte marqué par la démocratisation d’internet et des terminaux mobiles ainsi que par l’émergence d’une nouvelle concurrence de la part des Banques en ligne, les Banques traditionnelles ont été contraintes de revoir leur modèle opérationnel pour s’adapter à un marché en pleine mutation et préserver leur capacité de croissance.
En ligne de mire un marché global des services bancaires numériques de plus de USD 22 Md d’ici 2025.
Pour capter ce potentiel, les Banques auraient investi près de USD 10 Md dans le monde pour améliorer leurs activités digitales en 2018.
Cherchant à rattraper leur retard en la matière, 68% des Banques de réseau françaises proposent l’ouverture d’un compte à distance en 2019 (contre 66% en 2018 et 39% en 2017) tandis que 61% mettent à la disposition de leurs clients une offre de crédit à la consommation (vs. 16% en 2017), témoignant ainsi de l’amélioration et de l’enrichissement des services digitaux des Banques traditionnelles sur les dernières années.
Deuxième marché bancaire à l’échelle mondiale en termes de croissance et de rentabilité, l’Afrique s’appuie également davantage sur des offres digitales et mobiles compte tenu notamment du très faible nombre d’agences (5 pour 100 000 habitants, contre 13 pour 100 000 habitants dans les pays émergents d’Asie).
Dans le détail, le secteur bancaire de la Zone UEMOA serait sensiblement mieux connecté que celui de la Zone CEMAC avec 98,4% d’établissements équipés d’un site internet (contre 89,3% en Afrique Centrale).
De même, 57,5% des Banques d’Afrique de l’Ouest offrent une application mobile contre 48,2% dans la Zone CEMAC.
En Tunisie, 87% des Banques possèdent une application mobile avec un espace dédié aux clients et 100% ont des simulateurs de crédits en ligne.
UNE STRATÉGIE EN COURS DE DÉVELOPPEMENT AU MAROC
À l’instar d’autres pays dans le monde, le secteur bancaire marocain s’est engagé dans un processus de digitalisation depuis maintenant plusieurs années.
C’est dans cette perspective que les Banques ont créé des structures organisationnelles dédiées, dans le cadre de ce chantier suivi de près par BANK AL-MAGHRIB.
En effet, la Banque Centrale a inscrit, parmi ses orientations stratégiques 2019-2023, la promotion de la digitalisation des services financiers, tout en se focalisant sur les risques associés et l’évolution du cadre réglementaire.
Cette transformation digitale semble être bien amorcée au niveau du Royaume, comme en atteste le rythme de développement des canaux digitaux opéré au détriment de celui du réseau bancaire classique, lequel a enregistré une nouvelle décélération de +0,6% en 2019, après celle de +1,8% en 2018.
Aujourd’hui, les Banques marocaines mettent à la disposition de leurs clients des applications mobiles, leur permettant d’avoir accès à des services de consultation et de réaliser une panoplie d’opérations telles que des paiements, des virements, des opérations d’épargne, de bourse en ligne et des demandes réelles de crédits. À noter que, selon une enquête menée par BANKEO, 78% des clients marocains consultent leurs comptes et réalisent diverses opérations bancaires ou extra-bancaires (paiement de factures, vignette, etc.) en se servant d’une application mobile.
Pionnier sur les rails du numérique, CIH BANK monte en puissance dans la Banque digitale avec près de 440 000 connexions par jour en 2020 et une part de 95% des virements effectués en ligne.
Parmi les principaux investisseurs dans la digitalisation, figure également ATTIJARIWAFA BANK, dont la part de la Banque digitale dans les transactions totales se serait améliorée de +3 points pour atteindre 81% en 2020.
Le Groupe BCP fait également preuve d’innovation, à travers la proposition de nouvelles offres telles que l’ouverture des comptes en ligne pour les Marocains du Monde.
Pour sa part, BANK OF AFRICA a élargi ses parcours à distance en mettant en place le crédit
à la consommation digital et en lançant une nouvelle version améliorée de son application et site transactionnel « BMCE DIRECT ». D’ailleurs, 55% des clients BOA utiliseraient « BMCE DIRECT » dans ses 2 versions web et mobile enregistrant plus de 200 000 connexions, plus de 100 000 opérations de paiement de factures et plus de 10 500 virements en ligne par jour.
LA COVID-19 : UN ACCÉLÉRATEUR DE LA DIGITALISATION DES SERVICES BANCAIRES
Face à la crise de la Covid-19, les Banques ont accéléré la cadence de leur transformation. En effet, la part des transactions en ligne dans le monde aurait atteint les niveaux initialement anticipés pour l’année 2023.
Cette tendance aurait été relevée au niveau de plusieurs pays. En Amérique, le trafic des services bancaires mobiles aurait augmenté de +85% tandis que les inscriptions bancaires en ligne auraient affiché un bond de +200% au mois d’avril. Le Groupe bancaire espagnol SANTANDER, lui, aurait enregistré une progression de l’utilisation de ses canaux numériques de +20% en Europe, de +30% en Amérique du Sud et de +50 % au Mexique au S1 2020 précédente.
Le secteur bancaire marocain a également profité de la pandémie pour accélérer sa digitalisation et améliorer ses services bancaires. Cet engouement devrait se poursuivre sur les années à venir selon un sondage de MCKINSEY, qui révèle que 1 personne sur 5 au Maroc compte utiliser plus fréquemment les sites internet et les applications mobiles des Banques, même après la crise.
LA DIGITALISATION BANCAIRE
UN MODÈLE FACE À DE NOMBREUX CHALLENGES
Les Banques traditionnelles semblent avoir réussi à mettre en place leur stratégie de digitalisation à travers l’implémentation de nouveaux modèles et offres pour s’adapter à de nouvelles attentes. Toutefois et dans un contexte marqué par l’arrivée de nouveaux acteurs innovants, plusieurs contraintes pourraient freiner cette avancée.
LA RÉSISTANCE DU MODÈLE CLASSIQUE « AGENCE »
En dépit d’une digitalisation des services bancaires, les clients demeurent attachés à leur agence de proximité.
En effet, selon un sondage effectué par la TRIBUNE, 80% des digital natives* souhaitent un contact avec un conseiller.
Il semblerait qu’une nouvelle relation « à la carte » avec la Banque serait désormais privilégiée par les clients. Ainsi, pour les opérations du quotidien, les utilisateurs préféreraient leur smartphone ou tablette.
Toutefois, pour les produits et services engageants, ils préféreraient garder une relation physique avec un conseiller.
Au Maroc, d’après une étude de MCKINSEY, seuls 9 % des personnes sondées disent ne plus vouloir se rendre sur place pour s’entretenir avec leur banquier une fois la crise passée. Cette situation s’explique par un besoin du contact humain, mais aussi par la sécurité et la confiance, qui demeurent fondamentaux.
* Personnes nées entre 1980 et 2000
L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX CONCURRENTS
Un deuxième défi auquel sont confrontées les banques traditionnelles est l’émergence d’une nouvelle concurrence sous la forme de Néo-Banques.
Les Néo-Banques sont des Banque digitales, souvent 100% mobile, qui proposent une expérience client fluide et des produits basiques gratuits (carte bancaire, tenue de compte, etc...). Elles offrent la possibilité d’accéder à une gamme complète de services, de produits et d’informations, en ligne, 24 heures sur 24h/24, 7j/7, ce qui les rend attrayantes, en particulier pour les jeunes consommateurs.
Celles-ci connaissent un succès fulgurant, comme en atteste le nombre de ces établissements dans le monde, qui a été multiplié par 4 en 2 ans pour atteindre 256, dont 72 créées en 2020.
En termes de revenus, le marché mondial des Néo-Banques s’élève à USD 34,8 Md en 2020 et devrait afficher un TCAM de +47,7% sur la période 2021-2028. C’est en Europe que le modèle se développe le plus, accaparant 30% de ce marché en 2020 grâce notamment au bon positionnement de la France et de la Suède au niveau sectoriel, suivie de la Corée du Sud, devenu en quelques années le second pôle mondial pour les Néo-Banques.
Au Maroc, l’évolution du cadre réglementaire devrait permettre de développer ce secteur. Portée par BANK AL-MAGHRIB, la loi 103-12 a ouvert le champ à des services non bancaires (notamment des start- ups) d’offrir des solutions de paiement, facilitant ainsi l’apparition de nouveaux opérateurs pouvant concurrencer les Banques.
Dans le détail, la nouvelle loi bancaire permet l’introduction d’une nouvelle catégorie d’organismes assimilés aux établissements de crédit désignés par le terme « établissements de paiement » et les définit comme des établissements qui offrent un ou plusieurs services de paiement et qui peuvent également, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, exercer les opérations de change.
Ces services portent essentiellement sur les opérations de transfert de fonds, les dépôts et retraits en espèces sur un compte de paiement ainsi que l’exécution d’opérations de paiement par tout moyen de communication à distance, à condition que l’opérateur agisse uniquement en qualité d’intermédiaire entre le payeur et le fournisseur de biens et services.
De même, sont considérées comme services de paiement l’exécution de prélèvements permanents ou unitaires, d’opérations de paiement par carte et l’exécution de virements, lorsque ceux-ci portent sur des fonds placés sur un compte de paiement.
Ces établissements de paiement devraient, in fine, favoriser la réduction de la circulation du cash en développant des paiements électroniques et en renforçant la bancarisation et l’inclusion financière. Elles ont également pour vocation de favoriser l’innovation, notamment en matière de services financiers mobiles, et la concurrence de sorte à démocratiser les opérations de paiement et, donc capter une population peu desservie à ce jour.
Dans cette lignée, BANK AL-MAGHRIB devrait se doter d’un « Innovation Lab », ouvert à l’écosystème des Fintechs et qui aurait pour mission de favoriser l’émergence d’idées innovantes. Elle devrait également mettre en place une politique d’accompagnement dédiée à ces entités pour améliorer la fourniture de services financiers et accélérer l’inclusion financière.
LA CYBER-SÉCURITÉ
La cyber-sécurité constitue l’un des enjeux majeurs du 21ème siècle. En effet, la protection et la gestion des données des clients nécessite une grande vigilance de la part des Banques traditionnelles.
Ce facteur demeure ainsi prioritaire pour les utilisateurs. Selon une étude menée par ACCENTURE, 43% des clients considèrent la protection des données comme l’élément le plus important de leur fidélité à une Banque.
La transformation digitale semble ainsi être une priorité absolue pour le secteur bancaire, dont l’engagement est bien réel et se manifeste par des actions innovantes initiées dans le cadre de stratégies efficaces et agiles.
Toutefois, ce processus pourrait être freiné par différents éléments dont les cyber-menaces. C’est dans ce sens que l’Agence de Développement du Digital aurait prévu d’élaborer un cadre réglementaire portant la protection des libertés individuelles et la lutte contre la cybercriminalité.